« J’ai perdu le goût de vivre, pouvez-vous m’aider ? » C’est la question insolite que le philosophe Michel Lacroix a posée à trois de ses collègues… du passé: Kant, Nietzsche et Sartre
Il a imaginé leurs réponses.
Ce que répondraient Kant, Nietzsche et Sartre
La réponse d’Emmanuel Kant
Sache que je crois dans le progrès de l’humanité, pour des raisons que je n’ai pas le temps de t’exposer ici. Je crois en l’avènement d’un monde meilleur, où les individus seront des personnes, c’est-à-dire des êtres libres, considérés comme des fins et non simplement comme des moyens.
Dans ce monde futur, la dignité de chacun sera reconnue, la politique sera subordonnée à la morale, la paix régnera entre les nations. Ton pessimisme n’est donc pas justifié. Seulement, ce progrès ne s’accomplira pas de façon automatique. Le « règne des fins », comme je l’appelle, n’est qu’un germe déposé dans la nature humaine. Il appartient aux hommes de bonne volonté de le faire fructifier. C’est là que tu as un rôle à jouer. Contribue à réaliser ce progrès. Aide l’humanité à devenir meilleure. Mets ton énergie au service de la liberté, de la justice, de la dignité, de la paix. Ainsi, tu iras dans le sens de l’histoire. Et le sens de ta propre vie te sera donné par surcroît.
La réponse de Friedrich Nietzsche
. Il y a deux sortes d’individus. Les uns vivent une existence diminuée, ils se sentent coupables de vivre, ils sont esclaves de la morale. Les autres osent vivre vraiment. Ils affirment la force vitale qui est en eux. Ils laissent parler leurs plus profonds désirs. Sois de ceux-là. Tends le ressort de ton être. Vis intensément. Passionne-toi pour tout ce qui peut augmenter ta puissance. Sera-ce le sport, la musique, les voyages, l’écriture, le travail, la méditation, le plaisir, l’amour, la science ? Peu importe. L’essentiel est que tu suives ta vocation jusqu’au bout. Alors tu seras un surhomme, mon fils.
La réponse de Jean-Paul Sartre
Assume ta liberté, fais des projets, pose des actes libres. Les associations, les organisations non-gouvernementales, les syndicats, les partis politiques, la démocratie locale offrent assez d’occasions de s’engager aujourd’hui, ne trouves-tu pas ? Ainsi, tu forgeras toi-même ta raison de vivre.Encore un mot : tu es libre, mais tu ne peux pas faire n’importe quoi. Tu es responsable de ce que tu es, mais aussi responsable de tous les autres hommes. Il n’est pas un de tes actes qui, en créant l’homme que tu veux être, ne créera en même temps une image de l’homme tel que tu estimes qu’il doit être. En te choisissant, c’est l’être humain en général que tu choisiras.